Gare à l’exemple belgique !
La
précédente édition appelait à prendre garde contre les divisions qui pouvaient
détruire la Révolution. En particulier les divisions politiques, ou religieuses.
Nous citions la Révolution des Etats Belgiques Unis qui était en train de
pourrir sur place/Exemple de divisions politiques pouvant mettre à mal une
révolution et arrêter le progrès.
Depuis
le mois février de cette année 1790, ces divisions se sont accentuées sous la
poussée des Statistes, déterminés à ne pas laisser la moindre parcelle
d’expression, et encore moins de pouvoir, à leurs « amis » d’hier.
Pour ajouter encore de la division à la division, le chef statiste Van der Noot
a été jusqu’à refuser les propositions de conciliation faites par le successeur
du défunt Joseph ii, Léopold ii, qui s’est montré bien moins
intransigeant que son frère. Il était prêt à revenir sur de nombreux actes de
Joseph ii, ainsi qu’à laisser une
large autonomie aux provinces belgiques. Les démocrates, Vonck et le général
Van der Mersch en tête, en ont été fort déçus et l’ont fait savoir de la voix
et de la plume, suscitant l’ire de Van der Noot, du Congrès souverain, et d’une
grande partie de la population. Du coup, Van der Mersch a été arrêté, Vonck a
dû fuir et de nombreux vonckistes sont persécutés de tout côté. Voilà comment
une révolution bien partie tourne mal, du fait d’un parti rétrograde qui s’est
privé de nombreux révolutionnaires. Voilà comment une révolution va
tranquillement vers son écroulement. Voilà sous nos yeux un funeste exemple à
ne pas suivre. Et pourtant…
Notre
révolution, comme on l’a déjà dit, n’est pas exempte de divisions. Les
divisions politiques sont importantes, mais ce sont les divisions religieuses
qui sont aujourd’hui les plus préoccupantes. La bonne vieille division entre
catholiques et protestants, notamment dans le Sud. Les attaques successives de
la Constituante contre la religion ont échauffé les esprits : la liberté
des cultes proclamée par la Déclaration des droits du 26 août, la mise à la
disposition de la Nation des biens du clergé en novembre… Mais deux décisions
ont mis le feu aux poudres, qui sont la reconnaissance, le 24 décembre, des
protestants comme citoyens à part entière et leur libre-accès aux fonctions
publiques, et le refus mi-avril 1790 de reconnaître le catholicisme comme
religion dominante. Depuis, la situation est très tendue dans tout le Sud, notamment
à Nîmes et Montauban, touchées en mai et juin par des affrontements sanglants
entre « ligueurs » catholiques contre-révolutionnaires, protestants
et troupes patriotes – regroupant des tenants des deux courants religieux.
Voilà comment, sous un prétexte religieux, des populations globalement
satisfaites de l’éclatement de la Révolution, en arrivent à s’entredéchirer
sous l’impulsion de la Contre-Révolution. Et ne nous y trompons pas, ces luttes
religieuses d’un autre âge sont une véritable menace pour la Révolution. A ce
point, la religion elle-même, quelle qu’elle soit, n’est-elle pas une menace ?
Toujours est-il que ces luttes et persécutions religieuses du Sud font diablement
penser aux luttes et persécutions politiques chez nos voisins du Nord. Un parti
très (trop ?) traditionaliste au pouvoir, allié à une population somme
toute encore très rétrograde notamment sur le plan religieux, qui refusent l’existence
politique aux démocrates progressistes, voire l’existence tout court… La
Révolution doit être plus forte que cela.
Et
c’est possible car, au contraire des Etats Belgiques Unis, qui se sont
condamnés à l’impuissance en nommant un Congrès souverain sans pouvoir, la Constituante
avance dans ses travaux d’unification. Unification géographique avec la
création des départements, districts, cantons et communes avec, à tous les
niveaux, la même façon de fonctionner partout en France. Les premières
élections municipales se sont déroulées en janvier-février. Les élections
départementales sont survenues au printemps. Efforts d’unification sociale
aussi avec, en juin, la suppression de la noblesse héréditaire. Quoiqu’il
faille tout de même rester méfiant face à cette décision, à l’image de M. Marat,
qui y voit des promesses trop belles pour être vraies. Les promesses de la Nuit
du 4 août, sur lesquelles l’Assemblée est revenue les jours suivants en sont un
triste exemple. Réjouissons-nous, mais restons vigilants.