Bruxelles aux Bruxellois !
Depuis
des semaines on sait que les Pays-Bas Autrichiens sont en proie à une fièvre
révolutionnaire accrue, suite aux événements français. Ils ne sont d’ailleurs
pas les seuls puisque leurs voisins de la principauté de Liège n’ont pas été en
reste, qui ont décidé au mois d’août d’imposer leur volonté à leur
prince-évêque. On apprend maintenant que la population de la principauté de Stavelot-Malmédy
a réussi, en octobre dernier, à imposer à son prince-abbé l’élection d’une
assemblée nationale chargée de lui faire part des griefs populaires. Décision
qu’il a d’ailleurs rapidement mise de côté pour se ressaisir et, à peine une vingtaine
de jours plus tard, interdire la réunion de cette assemblée. Qu’importe, l’expérience
d’élections a été faite dans cette principauté, et son prince-abbé Célestin de
Thys n’en a certainement pas fini avec les troubles. Sa principauté, voisine de
celle de Liège, est en contact permanent avec la propagande révolutionnaire qui
s’est développée dans cette dernière depuis le mois d’août.
Mais
l’événement le plus retentissant en cet automne 1789, chez nos voisins du Nord,
est bien l’exploit des patriotes bruxellois. A la mi-décembre, un mois et demi
après la première victoire des troupes patriotes du général Van der Mersch à
Turnhout, moins d’un mois après que ces mêmes troupes aient chassé l’armée
impériale de Gand, les Bruxellois ont réussi d’eux-mêmes à chasser les troupes
autrichiennes qui y étaient cantonnées. Bruxelles était très agitée depuis déjà
des mois, voire des années, étant la ville d’origine des chefs insurgés Vonck
et Van der Noot. Mais une trêve conclue entre le général D’Alton, commandant de
l’armée impériale à Bruxelles, et Van der Mersch a permis au premier de
commencer à renforcer les défenses de Bruxelles. Il n’en a pas fallu plus pour
mettre les patriotes bruxellois dans la rue avec toutes les armes qu’ils ont pu
trouver. Il semblerait que leur détermination fût telle qu’ils ont non
seulement tenu les troupes impériales en respect, mais qu’en plus ils les ont
faites refluer toujours plus loin, jusqu’à les obliger à sortir de Bruxelles
dans le désordre, laissant souvent armes et bagages sur place. Il s’agit d’un
événement considérable, non seulement par l’exploit accompli par une population
mal armée et pas commandée face à des troupes militaires disciplinées, mais
aussi parce que Bruxelles est rien moins que la capitale des Pays-Bas
Autrichiens, enfin parce que le reflux des troupes impériales les a conduites
jusqu’au Luxembourg, resté fidèle. De nombreuses villes étant elles aussi
entrées en rébellion, les troupes impériales n’étaient plus les bienvenues
nulle part.
En
entrant aux Pays-Bas Autrichiens fin-octobre, les troupes de Van der Mersch
avaient proclamé la déchéance de Joseph II. En se révoltant contre les troupes
impériales, les grandes villes leur ont préparé le terrain en vue de la
libération, et les Bruxellois en chassant les troupes impériales, ont complété
le tableau qui concrétise cette grande proclamation. Et d’après nos
informations, Joseph II qui a eu à affronter la fronde des patriotes et des
Etats contre ses réformes depuis son accession au pouvoir, serait aujourd’hui
au plus mal, incapable de se remettre des affronts successifs qu’on « osé »
lui faire ses peuples des Pays-Bas.
Pour
en revenir un peu à notre révolution, il convient de saluer une nouvelle
décision qui ne peut que renforcer l’unité de la population autour de ce que
construisent nos députés à la Constituante. Malgré une féroce opposition du
côté droit – comme c’est devenu une habitude dès qu’il s’agit d’introduire un progrès
–, les comédiens et les protestants ont enfin pu accéder au statut de citoyen
et, partant, à l’égalité des droits. La lutte a cependant été si féroce à l’Assemblée
que les « Noirs » ont finalement réussi à maintenir l’exclusion des
Juifs du statut de citoyens en obtenant d’en rediscuter ultérieurement. Ce n’est
que partie remise, Messieurs, bous n’arrêterez pas le progrès révolutionnaire.
Et préparez-vous à un choc encore plus considérable lorsque s’ouvriront les
débats pour ouvrir les l’égalité des droits et la citoyenneté aux femmes. Car
il ne saurait être question, dans un pays qui vient d’écrire une déclaration
des droits de l’homme, d’en exclure la moitié de sa population.
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