Consolider la Liberté ?
Une
fois le Roi ramené à Paris et la menace d’un coup de force éloignée, l’Assemblée
Constituante a pu reprendre l’élaboration de la Constitution. Cependant, se posent
avec acuité deux grands problèmes. Ni le 14 juillet, ni le 4 ou le 26 août, ni
les 5 et 6 octobre n’ont renfloué la dette de la Monarchie, et encore moins
ramené le pain dans les boulangeries. Deux grands problèmes menaçant la liberté
selon nos représentants. C’est pourquoi ils se sont dernièrement appliqués à
adopter une nouvelle mesure révolutionnaire pour l’assainissement des finances
du royaume, ainsi qu’une mesure d’ordre, certainement plus contestable...
Ce
2 novembre 1789, une retentissante étape révolutionnaire a été franchie :
la mise des biens du clergé à disposition de la Nation dans le cadre de la
lutte contre le déficit abyssal de la monarchie. Et, fait singulier, cette idée
a été lancée par l’évêque d’Autun, Mgr de Talleyrand-Périgord. Rien
d’étonnant à cela pourtant, étant donné le peu d’intérêt accordé par cet homme
d’Eglise à… l’Eglise. Il ne lui en a pas fallu plus pour s’attirer les foudres
d’un autre ecclésiastique, connu pour sa gouaille aussi légendaire que celle de
Mr de Mirabeau : l’Abbé Maury. Ce dernier, membre de la partie que l’on
qualifierait volontiers de contre-révolutionnaire de l’Assemblée, était bien
sûr opposé à ce projet, n’hésitant pas à recourir à l’article 17 sur le droit
de propriété de la Déclaration des droits, qu’il pourfendait pourtant de toutes
ses forces en août… Mais pas de chance, il l’a utilisée à mauvais escient, l’Eglise
n’étant ni un individu, ni propriétaire de ses biens. Il ne s’agit finalement
que d’un corps qui administrait certains biens de la Nation, biens qu’elle veut
reprendre. Tels sont en substance les arguments développés par les partisans de
la reprise des biens du clergé, au premier rang desquels Mirabeau a encore
livré un mythique combat face à son rival. Face à cela, Maury a tout essayé :
le complot juif, la porte ouverte aux lois agraires… Mais rien n’y a fait, la Nation
a légitimement repris possession des biens qu’elle avait laissé à l’administration
de l’Eglise. Non Mr Maury, vous n’arrêterez pas la marche de la Révolution vers
sa liberté financière !
Mais
ce pas en avant ne doit pas nous faire oublier qu’un pas a peut-être été fait
en arrière le 22 octobre avec la mise en vigueur de la loi martiale… Provoquée
par les troubles paysans qui se perpétuent, contre l’impôt maintenant, mais aussi
par de nouvelles émeutes sanglantes survenues à Paris, qui ont vu l’exécution d’un
boulanger par la foule, cette mesure d’ordre ressemble à une mesure de facilité
pour la Constituante, comme pour les autorités parisiennes. Il est en effet
plus facile d’interdire les attroupements, sous peine de tirer, que d’améliorer
l’approvisionnement de la ville. A ce sujet, la colère populaire est pourtant
justifiée. N’est-ce pas déjà la reformation des queues devant les boulangeries
qui a précipité le retour du Roi à Paris ? Interdire tout attroupement au
lieu d’œuvrer à améliorer l’approvisionnement ressemble bien à une limitation
de la liberté individuelle et collective. Espérons que la mesure sera vite
levée, et que nous n’aurons pas à en reparler trop souvent…
Et
pendant que nous travaillons à l’apprentissage de la liberté nouvellement
acquise, profitons-en pour rendre hommage à nos voisins des Pays-Bas Autrichiens
qui se battent pour l’acquérir. Effectivement, Messieurs Vonck et Van der Noot,
chefs de file de l’opposition à l’empereur Joseph II, ont pour l’instant
surmonté leurs divergences politiques – Vonck le démocrate réformateur et Van
der Noot le Brabançon traditionaliste – et réussi à unir leurs troupes sous la
même bannière. Sous le commandement du général Van der Mersch, leur armée a
défait les autrichiens à Turnhout. Et elle les a récemment chassés de Gand.
Grandes victoires pour cette armée si mal équipée et encadrée. Nous pouvons
saluer leurs premiers pas vers la liberté et espérer la sauvegarde de l’unité
le plus longtemps possible. Déplorons cependant qu’après avoir pris pacifiquement
le pouvoir, les autorités bourgeoises de Liège n’aient pas davantage contribué
à ramener l’abondance au sein de la ville. La tension qui y règne est à suivre
de très près, car elle pourrait faire l’affaire du Prince-évêque et des forces
contre-révolutionnaires.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire