La Révolution s’exporte ?
Les
événements révolutionnaires s’enchaînent en cet été 1789. Non seulement en France,
mais aussi dans les Pays-Bas autrichiens, où l’agitation se fait de plus en
plus forte contre le pouvoir autrichien de l’empereur Joseph II – Tirlemont,
Mons, Louvain, ou encore Tournai se sont soulevées fin-juillet. Et en ce 18 août,
c’est au tour de Liège, coeur de la principauté ecclésiastique de Liège. Le
peuple liégeois s’est emparé, en ce jour, de l’hôtel de Ville, a nommé deux
nouveaux bourgmestres après avoir chassé les deux en place. Plusieurs autres décisions
« améliorant la chose publique »
ont été prises, que le prince-évêque Constantin-François de Hoensbroeck fut
invité à ratifier après avoir été ramené de son château de Seraing par une
troupe commandée par Chestret, bourgmestre nouvellement élu.
Le
prince-évêque a payé là le surcroît d’autorité qu’il a voulu acquérir depuis
son accession au trône en 1784. Il s’est vite heurté à un courant libéral,
symbolisé par l’écrivain progressiste
Jean-Nicolas Bassenge. Un courant libéral largement soutenu dans les rangs de
la noblesse, qui a fourni quelques chefs à la révolte, tels Lannoy, Geloes,
Aspremont-Lynden… Même le peuple, qui semble impliqué dans la politique, se
reconnaît, ou du moins se sent défendu par les tenants de ce courant libéral. Ce
peuple en a bien besoin, qui s’appauvrit pour une grande partie :
prolétaires et les mendiants sont de plus en plus nombreux à dépendre de la
charité publique. Ainsi, lorsque sont venus s’ajouter un hiver rude, et les
premières nouvelles des événements parisiens et versaillais de juillet, toutes
les conditions étaient réunies pour une explosion sociale et politique. Mais s’il
est inspiré de la Révolution de France, cet événement est-il de même nature ?
La Révolution de France s’est-elle exportée ?
Il
est certain pour commencer, que le puissant courant philosophique de ce siècle
est pour beaucoup dans le déclenchement de ces événements. Leurs acteurs s’en
revendiquent haut et fort. Comme en France, l’archaïsme des institutions a fini
par devenir un obstacle à l’essor économique en cours ces dernières décennies.
Enfin, comme chez nous, le très rude hiver 88-89 n’a pas été un moindre
déclencheur. En revanche le prince-évêque, qui projetait une réconciliation
générale, n’a pas eu recours aux cahiers de doléances, comme Louis xvi en France. Il en fut rédigé
quelques-uns, mais en de rares endroits, et de façon tout à fait spontanée. Il
reste une différence, et pas des moindres. La Révolution de Liège a été un
événement précipité. Certes, il couvait depuis bien longtemps, mais on peut
dire qu’il a éclaté « sans crier gare ». Il n’a donc pas été question
dans un premier temps d’une Assemblée nationale, que Mr bassenge appelle
pourtant de ses vœux. Et comment pourrait-elle d’ailleurs être nationale pour l’instant,
alors que certaines parties de la principauté réclament leur propre assemblée,
telle la ville de Theux, dont le bourgmestre Dethier, réclame « un congrès de la nation franchimontoise »…
Quant
au déroulement de la journée, il ressemble fortement à celui du 14 juillet
parisien : regroupements incontrôlables ; prise d’une « Bastille »,
la citadelle de Liège ; nomination de nouvelles autorité municipales ;
constitution d’une milice bourgeoise pour empêcher les groupes les plus
radicaux de s’exprimer ; enfin un souverain contraint de reconnaître le
fait accompli. Et la journée liégeoise fut doublement heureuse finalement, car
le sang n’y a pas coulé, ce qui pas été le cas à Paris en revanche.
La
Révolution de France ne s’est pas exportée, mais que son esprit s’est étendu, à
la suite du courant philosophique tout au long de ce siècle. La Révolution de
Liège est de même nature profonde que la Révolution de France. Mais elle est
tout de même d’apparence différente dans une principauté à la taille et à l’histoire
différentes de celles du royaume de France, dans une contrée où l’unité nationale
reste à faire.
Il
faut espérer que la bonne nouvelle de cette journée en amènera d’autres dans
cette Europe monarchique et archaïque, et que ce qu’elle a produit perdurera,
tout comme il faut l’espérer pour notre royaume.
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