dimanche 16 décembre 2012

La Révolution française, épisode 6


Peurs et révoltes

Le séisme de la prise de la forteresse de la Bastille a forcé le Roi et la cour à changer leur fusil d’épaule. Le Roi a fini par reconnaître sa « défaite » en se rendant à l’Hôtel de Ville de Paris et en arborant la cocarde tricolore, le 17 juillet. Les esprits n’ont pas été calmés pour autant, bien loin de là…
Le complot aristocratique est toujours soupçonné. Le Roi n’a-t-il pas rassemblé de nombreuses troupes autour de Paris ? La toute nouvelle Assemblée Nationale n’est-elle pas menacée à Versailles ? L’intendant de Paris, Bertier de Sauvigny, ne s’est-il pas vanté de « faire manger de l’herbe » au peuple, lui qui était soupçonné de spéculation sur le blé en tant que responsable de l’approvisionnement de Paris, en compagnie de son beau-père Foullon ? En cette période, toujours difficile de « soudure » des récoltes, qu’importe que ces paroles aient été prononcées ou inventées ? Qu’importe que ces soupçons soient avérés ou fantaisistes ? En ces temps d’effervescence politique et sociale, de crise économique et frumentaire, il n’en fallait pas plus pour mettre en branle tout le petit peuple parisien et déchaîner sa fureur. Fureur dont Bertier de Sauvigny et Foullon ont fait les frais, victimes de la justice populaire et de la cristallisation des haines sur leurs personnes. Même les officiers publics, même l’indignation du très populaire La Fayette  n’ont pu empêcher cela. Un peuple qui a peur, qui est furieux, est incontrôlable.
Et Paris est loin d’être un cas isolé. Tout le royaume est touché en cette fin de juillet. L’annonce du renvoi de Necker et/ou celle de la prise de la Bastille ont provoqué des réactions dans de nombreuses villes. A cela s’ajoute, comme à Paris, la bonne vieille peur du complot aristocratique visant à affamer le peuple. Ainsi sont nées des peurs mettant en scène des bandes de brigands à la solde des aristocrates, parcourant les campagnes en vue de détruire les récoltes. Enfin, la peur de voir des troupes étrangères envahir le territoire s’est mêlée à cette peur séculaire pour faire un mélange détonant.
Le plus extraordinaire dans ce mouvement est que d’après nos informations, ils n’a pas fait tache d’huile depuis Paris. Des peurs sont nées spontanément dans plusieurs régions sans forcément de liens entre elles. De leur point de départ, elles semblent en revanche se diffuser largement. Partout les causes sont les mêmes, et partout les réactions sont similaires. Dans de nombreuses villes, des gardes bourgeoises se sont créées pour la défense de la cité et de ses citoyens. Dans les campagnes, les paysans se sont armés et se regroupent à la moindre alerte, voire se sont joints aux gardes bourgeoises dans certains cas, à l’exemple de Bourgoin, en Dauphiné. Tout cela avec une particulière rapidité. Cependant, il s’est tout aussi vite avéré que les dangers redoutés étaient imaginaires. Aucune troupe étrangère, peu de brigands ont été vus.
Seulement, l’armement des populations et le constat de l’absence de danger n’ont pas ramené le calme. En maints endroits, les paysans se soulèvent contre leurs seigneurs, exigeant leurs papiers pour les brûler, brûlant les châteaux en cas de résistance. Les bourgeois sont parfois débordés et doivent, à leur corps défendant, se mettre à la tête des armées de paysans, à l’exemple encore une fois de Bourgoin. Des troubles parfois violents ont été rapportés, tels ceux du Mâconnais en Bourgogne, où les bourgeois de Mâcon, se sentant menacés dans leurs biens, se sont organisés en armée pour mettre au pas les émeutiers des campagnes et ramener l’ordre. La peur initiale s’est clairement transformée en une révolte antiseigneuriale. Une révolte qui a mis à profit l’armement des populations, ainsi que le chaos au sommet du pouvoir, et qui semble en passe de mettre à bas ce système féodal que la France connaît depuis des siècles.
Plusieurs questions se posent maintenant à la nouvelle détentrice du pouvoir législatif qu’est l’Assemblée Constituante. Y a-t-il des responsables et faut-il les juger ? Il sera dur d’y répondre étant donné d’une part l’ampleur des mouvements, d’autre part le rejet de la responsabilité par les aristocrates et les révolutionnaires les uns sur les autres. Quelle va surtout être la façon de sortir de cette crise d’angoisse qui s’est transformée en une colère générale ? La Constituante va-t-elle, tels les bourgeois de Mâcon, réprimer les mouvements ? Elle n’en a pas les moyens et ne le veut peut-être pas. Va-t-elle suivre le mouvement de réforme qu’elle a engagé depuis qu’elle a décidé de s’opposer frontalement au pouvoir royal ? Pour calmer durablement la colère populaire, n‘est-il pas temps d’en finir avec la féodalité, qui n’a plus sa place dans la société telle qu’elle se présente en cette année 1789 ?





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