Chute d’un symbole de l’absolutisme royal
La
forteresse de la Bastille est tombée aux mains de la foule parisienne partie à
la recherche d’armes et de poudre, le 14 juillet au troisième jour de l’émeute
qui secoue Paris. Cette émeute a débuté à la double annonce du renvoi de necker
– qui n’aura donc finalement pas gardé sa place auprès du Roi et de l’Assemblée
Nationale très longtemps – et du rassemblement de troupes autour de Paris,
ordonné par le Roi.
Que
dire de cet événement ? Si au départ il ne s’agissait que de s’emparer des
armes que contenait la forteresse, sa prise est très rapidement devenue un
tournant considérable dans l’esprit de ceux qui y ont assisté, ou qui y ont
participé. En témoignent les foules accourues pour assister au spectacle de sa
démolition, mais aussi pour y participer. En témoigne aussi le triomphe fait
aux meneurs des émeutiers. Clairement, la prise de la Bastille a eu un
retentissement extraordinaire, à tel point que certains en parlent déjà comme
le marqueur de la fin du vieux monde et de la naissance d’une société nouvelle.
Une révolution ? C’est à voir… Le signe d’une rupture ? Sûrement.
Depuis
plusieurs semaines déjà, l’autorité royale a été battue en brèche par les
députés du Tiers-Etat à nombre de
reprises, et ses réponses n’ont été qu’une accumulation de maladresses. Voyant
que le pouvoir royal ne ferait rien pour accéder à leurs demandes, les députés
du Tiers Etat ont bien vite compris qu’ils n’allaient pouvoir compter que sur
eux-mêmes pour mettre en œuvre les très importantes réformes dont le royaume a
besoin, en bravant l’autorité royale s’il le faut. C’est ce qu’ils ont fait une
première fois en se réunissant au Jeu de Paume et en prêtant serment de ne
point se séparer avant d’avoir donné une constitution au royaume. C’est ce
qu’ils ont fait une deuxième fois en se proclamant Assemblée Nationale le 20
juin. C’est ce qu’ils ont fait une troisième fois le 23 juin en refusant de
quitter la salle des séances des Etats Généraux pour délibérer séparément des
deux autres ordres. Ils ont persisté et signé le 9 juillet en se proclamant
officiellement Assemblée Nationale constituante. Légitimement puisque dès le 27
juin, la majorité des députés des ordres privilégiés ont fini par rallier le Tiers-Etat
et accepter de délibérer en sa compagnie. Voilà comment les députés du
Tiers-Etat, devenus Assemblée Nationale – totalement nationale depuis le
ralliement des privilégiés – ont progressivement acquis leur légitimité
politique en quelques semaines à peine. Une légitimité attestée par le soutien
des rassemblements quotidiens et de plus en plus massifs au Palais Royal à
Paris, d’où est partie l’émeute débutée le 12 juillet.
De
son côté, si le Roi n’a pas perdu tout son crédit, il n’en est pas de même pour
l’absolutisme de sa fonction, largement affaibli depuis déjà quelques années.
Cet absolutisme, s’il s’est effondré, ne le doit pas tant à la chute de la
Bastille qu’au travail de sape commencé par les parlements depuis des années,
les assemblées de notables de 1787 et 1788, et terminé par l’intransigeance des
députés du Tiers, relayée par l’agitation politique à Paris. La timidité du
Roi, les divisions et l’indécision de son conseil ont paralysé le pouvoir royal
qui n’a choisi comme option que le refus de voir l’évolution politique en face,
et donc le recours à la force armée pour mater cette fronde d’un genre nouveau.
Le pouvoir royal a choisi de ne pas écouter cette assemblée qui s’est proclamée
nationale et constituante sans son autorisation, à tel point que Necker en a
fait les frais au profit d’un homme que le progrès rebute au plus haut point :
le baron de Breteuil. Le pouvoir royal a refusé d’entendre les appels à la
prudence au sujet du rassemblement de troupes autour de paris, en cas de
troubles frumentaires, se défend-il. Mais comment, dans ce contexte, empêcher
toute une population acquise aux changements initiés par le Tiers-Etat de
penser qu’on va s’en prendre à elle et à ses députés ? Le pouvoir royal a
enterré son crédit et son autorité lui-même, avec l’aide des députés du
Tiers-Etat.
La
prise de la Bastille par le peuple parisien a fini par faire la différence et
mettre l’Assemblée Nationale en position de force face au pouvoir royal. Une
révolution ? A voir…
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