jeudi 22 novembre 2012

Histoire, suite : Faut-il croire en les Etats Généraux ?


Le jour est enfin arrivé, après neuf mois d’une attente nerveuse, tant socialement que politiquement. A peine sont effacées les stigmates de l’émeute du faubourg Saint-Antoine de la fin du mois d’avril que les yeux de la capitale se tournent vers les ors de la salle des Menus Plaisirs de Versailles, lieu de réunion des Etats Généraux.
Cependant, dès avant ce 5 mai, les critiques déçues fusaient déjà, notamment de la part du Tiers-Etat. Elles en particulier des distinctions qui leurs sont imposées par rapport aux ordres privilégiés : des tenues plus qu’austères contrastant avec le luxe et les couleurs affichés par la noblesse et la tranche supérieure du clergé ; une dernière homélie adressant les hommages et respects au Roi du clergé et de la noblesse, et les « très humbles supplications » du Tiers-Etat. Cela n’a pu que choquer les députés du Tiers-Etat qui ne sont pas venus dans l’optique de supplier le Roi, mais de faire valoir les droits politiques de leur ordre, tout particulièrement de la bourgeoisie des villes, devenue au fil du temps la catégorie la plus riche de la Nation au détriment de la noblesse déclinante. Mais à la fin de la séance du 5 mai, les députés n’étaient pas plus rassurés. Dans son bref discours, mainte fois retouché, le Roi ne fut qu’indécision, ne tranchant toujours pas sur la question du vote par tête et s’en remettant à l’assemblée. Or nul n’est besoin d’être devin pour se douter que malgré les recommandations et les appels royaux à la sagesse, cela sera très difficile et risque de provoquer des blocages. De leur côté le Garde des Sceaux Barentin et le Contrôleur général des Finances Necker, malgré un discours fleuve de ce dernier, ne furent qu’imprécision, notamment sur la question de la vérification des pouvoirs des députés : en commun ou en chambres séparées ? Cédant à la tradition, clergé et noblesse se sont retirés pour les vérifier séparément, malgré quelques nobles libéraux ayant réclamé la vérification en commun. Le Tiers, lui, a refusé la tradition et gardé place dans la salle des Menus Plaisirs, se contentant de réclamer la vérification en commun et d’attendre. Voilà les Etats Généraux à peine commencés et déjà doublement bloqués, voire exposés à voir les ordres s’affronter entre eux, voire en interne. D’où la question de savoir si l’on peut croire en leurs capacités de réforme.
Mr Brissot semble y croire et refuse de prêter foi aux discours pessimistes. Il appelle le Tiers-Etat à adopter l’attitude de ses députés : avoir confiance en son bon droit et attendre calmement mais fermement, sans faire aucune concession tant qu’il ne lui en sera fait. Mais cela peut demander beaucoup de temps et il n’est pas certain que l’attente ferme l’emportera sur l’impatience qui agite Paris, et particulièrement le quartier du Palais Royal. Les libelles et orateurs, tous plus enflammés les uns que les autres, s’y bousculent radicalisant l’esprit des foules de plus en plus nombreuses de leurs auditeurs ou lecteurs. Les Etats Généraux sont bloqués. Les députés du Tiers-Etat, conscients d’être dans leur bon droit en réclamant un vrai poids représentatif pour la catégorie désormais la plus riche de la Nation, semblent près à attendre longtemps. Cependant, un mouvement populaire massif pourrait, d’ici peu, lui aussi venir réclamer ses droits et bousculer ce (trop) long cérémonial malgré les appels à la prudence et à la patience. L’avenir nous le dira.
Quoi qu’il arrive, le royaume ne sera pas de suite en mesure de suivre l’exemple des Etats-Unis d’Amérique qui, quelques mois après l’adoption d’une constitution, ont réussi à faire taire leurs querelles internes entre fédéralistes (partisans d’un lien étroit entre les Etats) et anti-fédéralistes (partisans de la souveraineté des Etats). Ils ont ainsi pu élire leur premier président en la personne de Georges Washington, l’un de leurs illustres pères fondateurs. A ceci près qu’il leur aura fallu six longues années depuis le départ des Anglais en 1783 pour réussir à aplanir toutes les oppositions et franchir les obstacles économiques laissés par leurs anciens colonisateurs à la manière d’un cadeau de départ. Les Etats Généraux ne sont en tout cas pas sur la bonne voie à l’heure actuelle et ne le seront pas avant des années eux non plus.




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