jeudi 15 novembre 2012

Histoire : La Révolution, la suite

Y a-t-il quelque chose de pourri dans le royaume de France ?


Telle est, en substance, la question que posent et à laquelle tentent de répondre les pages qui suivent. A partir du constat posé par la retentissante émeute du faubourg Saint-Antoine contre Réveillon, qui fait écho à celles qui ont éclaté partout dans le royaume depuis le début de l’année, on peut supposer que celui-ci connaît effectivement de sérieuses difficultés. Une fois posée, cette affirmation doit être étayée, ce qui ne posera pas de problème tant sont nombreux les signes qui la rendent crédible, et ce depuis déjà de nombreuses années.
Tout d’abord, il est clair que le système fiscal ne permet plus au royaume d’assurer sa survie financière. Il est profondément inégalitaire : le Tiers-Etat y laisse environ 50 % de ses revenus annuels – sans compter la ponction due aux impôts indirects – là où la noblesse et le clergé n’en paient pas ou presque pas, par exemption ou par arrangement. Par conséquent, en temps de crise, si les revenus du Tiers-Etat baissent et si on ne va pas chercher ailleurs le manque à gagner, les impôts rentrent mal et les dépenses ne sont plus couvertes. Voilà la situation des finances puisque les dépenses, elles, ne diminuent pas, notamment celles dues aux largesses royales et au train de vie de la cour, le tout s’élevant à plusieurs dizaines de millions de livres par an. « Les nobles sont-ils des parasites ? » demande l’un des articles qui suivent…
Ce système fiscal qui ne suit plus, le train de vie outrageusement luxueux de la famille royale et de la cour amènent à se demander si le royaume est encore dirigé efficacement. Depuis 1774, Louis xvi s’est toujours voulu réformateur. Mais il s’est constamment révélé trop faible face aux parlements, ainsi qu’à son entourage – politique ou particulier. Depuis leur remise en place en 1776, les parlements n’ont cessé de s’opposer aux édits royaux, prenant des accents démocrates. Or depuis que celui de Paris s’est prononcé en septembre 88 sur les Etats Généraux, leur véritable motivation – limiter le pouvoir royal à leur profit – a été mise à nu. Ils sont désormais discrédités aux yeux des patriotes et du Tiers-Etat. Au sommet, le Roi est déchiré entre les princes qui s’alarment de la montée des prétentions démocratiques, et Necker qui le pousse à faire des concessions au Tiers-Etat. La décision du 27 décembre d’accorder le doublement du Tiers en laissant le vote par tête en suspens révèle la paralysie du pouvoir royal. La volte-face des parlementaires révèle que, loin de favoriser le progrès, ils le bloqueront, et que si ce dernier doit s’accomplir, ce sera sans eux. De fait ils ont, par cet acte, déclaré la guerre aux patriotes et au peuple qui les avaient jusque là soutenus. Avec un pouvoir royal paralysé et des parlements hostiles à toute idée de réforme, alors non, le royaume n’est plus dirigé efficacement.
Dans cette situation, que pourront les Etats Généraux pour la remise à flot du royaume ? Ils font bel et bien la part belle au mouvement patriote avec le doublement du Tiers, ou encore – par la volonté de Necker – une meilleure représentation pour les curés patriotes. Ils n’auront cependant que peu d’efficacité pour les réformes profondes dont le royaume a besoin si le vote par ordre est conservé. Ce vers quoi on semble se diriger, même si la porte n’est pas fermée… On peut de plus légitimement se demander si les aspirations populaires (ouvriers, artisans, paysans…) y auront un écho tant sont nombreux les filtres : fusions des cahiers de base en un cahier de bailliage ; scrutin à plusieurs degrés pour les députés du Tiers-Etat, qui n’enverra que les plus aisés à Versailles.
Il y a bel et bien quelque chose de pourri dans le royaume de France : l’organisation administrative, sociale, fiscale, et du pouvoir. Les cahiers de doléances en sont révélateurs, tant du côté des privilégiés jaloux de leurs prérogatives, que de celui du Tiers-Etat qui réclame égalité devant la justice et l’administration, mais aussi l’égalité civile et fiscale. C’est l’échec des réformes et les impasses politiques et sociales en découlant qui constituent le fondement de ces cahiers.





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