Face à la pression royale et le feu des critiques, la
détermination de l’Assemblée nationale !
Le vent de
nouveauté qui souffle sur la scène politique du royaume depuis quelques
semaines – et particulièrement depuis ce serment prêté par les députés du
Tiers-Etat à la salle du Jeu de Paume le 17 juin, puis leur constitution en
Assemblée Nationale trois jours plus tard, et encore maintenant leur refus
d’obéir aux injonctions royales en fin de séance le 23 juin – semble faire
grincer des dents à certaines personnes, montrant que la monarchie, même
affaiblie, n’a pas perdu ses bases, et que le Tiers-Etat va avoir fort à faire
pour prouver sa légitimité politique.
De
fait, les défenseurs de la monarchie se manifestent face à la nouvelle
Assemblée nationale, aussi appelée Communes. L’Anglais Arthur Young accuse les
Communes de vouloir tirer profit de la misère du peuple pour l’appeler à leurs
côté, et donc de refuser toute initiative visant à tenter d’améliorer la situation,
en particulier celles venues des ordres privilégiés. Rivarol impute pour partie
aux Communes l’échec du discours du Roi lors de la séance royale du 23 juin,
tout comme il l’impute aussi au Roi et à son conseil. Ce texte qui, selon lui,
aurait pu devenir la Constitution de la France, est arrivé en retard et n’a pas
été livré d’une manière déterminée. Les Communes n’auraient de leur côté pas
accepté de s’être vues réduites à rien par l’initiative royale alors qu’elles
se sont données pour mission de réformer par elles-mêmes le royaume. Il voit
aussi dans l’absence de Necker ce même 23 juin l’une des raisons au très
mauvais accueil fait à la déclaration du Roi, ainsi qu’à l’effroi qui s’est
emparé du peuple du Palais-Royal à l’arrivée des comptes-rendus de cette
séance. Le Roi et Necker ont cependant tenu à rassurer très rapidement ce
peuple effrayé, le premier en faisant appeler le second et en s’entretenant
avec lui, le second en se montrant en personne devant tous ces gens venus le
soutenir pour les rassurer sur son avenir au gouvernement du royaume. Beaucoup
voient en lui l’une des clés d’un avenir radieux, une idée répandue dans le
peuple.
Indispensable
Necker ? Il n’était pas là lors du serment du Jeu de Paume, pas plus qu’il
n’était présent lors de la Constitution du Tiers-Etat en Assemblée Nationale.
Alors présent ou pas présent lors de la séance du 23 juin, quelle est la
probabilité que Necker eût fait changer la réaction du Tiers-Etat ? Elle
est certainement très faible car comme le dit bien Mr Rivarol, Necker n’est pas
venu car certains points de la déclaration royale avaient été changés par
rapport au texte qu’il avait suggéré. Mais ce ne sont que certains points, ce
qui veut dire qu’il était d’accord pour le reste. Or, le Tiers-Etat a rejeté ce
texte « constitutionnel » dans son entier car l’Assemblée qu’il
compose s’est donné pour raison d’être de donner elle-même sa Constitution au
royaume. La popularité de Necker est immense, mais il n’est pas pour autant indispensable
dans la réalisation de cette mission. Dans le fond, il n’a jamais eu la force
ni forcément voulu apporter les changements nécessaires, ne serait-ce que pour
assainir les finances du royaume. Et vue la détermination du Tiers à refuser de
se retirer pour délibérer séparément des deux autres ordres – en témoignent les
réponses de Bailly ou de Mirabeau qui ont été rapportées –, il est clair que
l’Assemblée fera tout pour y arriver, avec ou sans lui. Seul l’avenir nous le
dira
Mais
que l'on se rassure, les velléités de changement et de progrès ne trouvent pas d’ennemis
qu’en France. Sur un autre sujet mais sans aucun état d’âme, les négriers
anglais ont anticipé il y a peu le changement que pourrait initier leur
gouvernement à propos de la traite des esclaves. Il serait en effet question d’adopter
un « bill » abolissant l’esclavage. Levée de bouclier ! Ce
serait pour eux une catastrophe irréparable. Pour parler brièvement mais
concrètement, tout objectif humanitaire à cette loi est illégitime selon eux,
ce serait une catastrophe économique et pour les marchands d’esclaves, et pour
les plantations coloniales, enfin des intérêts financiers sont en jeu, non
seulement pour eux mais aussi pour les planteurs et négriers espagnols et
américains. La belle solidarité des capitalistes négriers !